MONITEUR - Opérations immobilières - avril 2022
Le BIM Building Information modeling, est une méthode de travail collaborative permettant à plusieurs intervenants à l’acte de construire de constituer ensemble une base de données
immobilières sur un bâtiment. Propulsée par les différentes normes ISO qui structurent son
utilisation depuis 2013, ce processus révolutionne nos modes de conception, de construction et de maintenance d’actifs immobiliers. Faisons un tour d’horizon des dernières évolutions du BIM.
1. Pourquoi prolonger le Plan BIM 2022 ?
Pour rappel le BIM s’appuie sur des technologies logicielles dédiées qui conduisent à la mise en place de maquettes numériques de bâtiments. C’est bien pour motiver les acteurs de l’immobilier et du bâtiment à se lancer dans ce nouveau processus de gestion de projet, que l’Etat a mis en place initialement le Plan BIM 2022 en janvier 2019 faisant suite au PTNB plan de transition numérique du bâtiment. L’accompagnement à la collaboration était un objectif majeur de la première période du plan BIM 2022 avec l’intégration de la plateforme collaborative gratuite KROQI. Sur cette deuxième période l’accompagnement à la contractualisation s’est révélée essentielle avec le déploiement de ORELIE, un dispositif en ligne gratuit permettant de rédiger son cahier des charges BIM en toute autonomie. Beaucoup d’actions sont encore nécessaires à la motivation des acteurs du BTP à se
lancer dans cette démarche : le permis de construire en BIM, le contrôle de la qualité des datas contenues dans les maquettes ou encore la promotion du DOE dossier d’ouvrages exécutés numérique. Le travail est encore long avec 17% des acteurs de la filière qui ont déployé en 2021 des actions de transition au sein de leurs entreprises soit une progression de 10% par rapport à 2020.
2. Quelle dynamique pour le référentiel BIM4value ?
En 2019 est né le référentiel BIM4VALUE, fruit d’un travail commun entre sept organisations
professionnelles du bâtiment que sont Cinov, CNOA, EGF. BTP, FEDENE, FSIF, SBA et Syntec Ingénierie. Ce premier cadre de référence des usages du BIM a la vocation d’accompagner la maitrise d’ouvrage et les donneurs d’ordres dans la définition de leurs cas d’usages du BIM afin que la production BIM soit génératrice de création de valeur et corresponde à leur expression de besoin depuis le programme jusqu’à l’exploitation d’un actif. L’idée est bien de valoriser les apports de la démarche BIM dans l’usage quotidien des maquettes numériques par les donneurs d’ordres, d’en faire un véritable outil d’aide à la décision à toutes les étapes de vie d’un actif, d’améliorer la connaissance patrimoniale et d’automatiser des actions d’exploitation maintenance. Le BIM4VALUE investit progressivement les opérations immobilières. Nexity a récemment promu ce cadre de
référence dans le projet résidentiel de 15800m² Rueil Terray. Trois lauréats sur quatre du dernier appel à projet du Plan BIM 2022 sur l’expérimentation de démarches qualités mises en œuvre sur un projet BIM utilisaient la démarche BIM4VALUE. Ce guide est actuellement gratuit et accessible à tous sur le site de la SBA.
3. Quels enjeux du BIM en gestion exploitation maintenance GEM ?
L’aspect gestion exploitation maintenance du BIM apparait comme le nouvel enjeu de déploiement de la démarche BIM des prochaines années. On a longtemps pensé à tort que le BIM était une démarche collaborative de construction alors qu’en réalité il est parfaitement possible de bénéficier des usages du BIM uniquement en phase gestion exploitation maintenance. La modélisation des données du bâtiment peut se faire indépendamment de projets de travaux. Pour cela on utilisera un mode d’acquisition des données existantes afin de constituer un jumeau numérique d’un bâtiment existant. A partir de là, la maquette numérique pourra servir à géoréférencer les équipements et ouvrages du bâtiment à maintenir. Avec l’aide de capteurs, les équipements peuvent ainsi communiquer avec le jumeau numérique afin de fluidifier la transmission d’informations concernant
leurs états de fonctionnement et leurs besoins d’interventions. Le couplage avec des outils de BOS building operating system permet d’augmenter cette fluidité dans la GMAO gestion maintenance assistée par ordinateur. Il existe un développement conséquent d’outils d’exploitation maintenance tels que SmartO&M, Dalux, Spacewell ou Spinalcom ayant recours à la maquette numérique, véritable outil de data visualisation des données d’exploitation des bâtiments. Le véritable enjeu est bien de valoriser cet usage du BIM pour constituer des bases de données d’immeubles au-delà de la technique et géoréférençant toutes les données patrimoniales au sens large dans la maquette numérique. L’analyse de données d’utilisation des bâtiments apparait comme l’enjeu majeur pour apporter des services aux utilisateurs d’immeubles.
4. Comment le BIM favorise l’économie circulaire ?
Le recyclage et le réemploi sont une dynamique forte du secteur de l’immobilier et du bâtiment. En 2020, une quarantaines d’acteurs majeurs de l’immobilier se sont rassemblés pour créer le Booster du Réemploi afin de s’engager dans cette démarche de réemploi sur leurs opérations de travaux.
Cette dynamique forte est également soutenue par l’objectif zéro carbone et la nouvelle
règlementation environnementale RE2020. Le processus de création ou d’évolution d’un bâtiment selon l’approche en cout global est ainsi remis au gout du jour. Il s’agit d’anticiper l’impact du bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, autant sur les aspects environnementaux que techniques ou financiers. L’usage de la maquette numérique est fondamentalement inscrit dans cette vision de cout global avec l’idée de carte d’identité du bâtiment, relatant toutes les actions réalisées sur ce dernier. Dès les premières approches d’études de projet, le BIM permet de simuler de nombreux scénarios dans la maquette numérique y compris la ré-employabilité des équipements et ouvrages ; jusqu’à l’anticipation de la fin de vie des matériaux, matériels et équipements constituant les objets numériques. Récemment, la startup Sitowie a développé un outil Predibat s’appuyant notamment sur l’usage de la maquette numérique BIM pour simuler le comportement du bâtiment et accompagner les acteurs de l’immobilier dans l’anticipation du vieillissement des actifs.
Le traitement du vieillissement permet des économies de carbone et des économies financières.
5. Comment le BIM accompagne le management de l’énergie ?
Depuis 2020, le label Investissement socialement responsable (ISR) a été décliné à l’immobilier et attribué à des fonds répondant aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Le label ISR permet de mettre en place son propre outil de notation afin de justifier d’une amélioration verte du parc immobilier notamment auprès des investisseurs. Plus largement, le verdissement du tertiaire est un enjeu pour l’ensemble des acteurs dont les promoteurs agissant pour les investisseurs. Le Décret Tertiaire a ainsi frappé un grand coup auprès des propriétaires qui se voient dans l’obligation de justifier d’une baisse de consommation énergétique sur leur parc immobilier de 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050. Cette diminution de consommation s’accompagne de la mise en place nécessaire du management de l’énergie. Dans ce contexte, le recours à la maquette numérique et l’usage du BIM permettent de visualiser plus finement les bâtiments et espaces énergivores sur un parc immobilier afin d’adapter l’utilisation du bâtiment et d’anticiper les travaux correctifs. La data visualisation offerte par le BIM apparait alors comme un enjeu essentiel et un
levier de performance énergétique dans la gestion de patrimoine.
6. Comment le BIM permet de répondre à la RE2020?
La RE2020 est arrivée en janvier 2022 dans le logement et arrivera à l’été dans le tertiaire. Son objectif est de poursuivre l’ambition de diminution des émissions de gaz à effet de serre GES dans le bâtiment, d’améliorer le confort intérieur, de continuer à baisser les consommations énergétiques et de réduire l’empreinte carbone des bâtiments. C’est ainsi que la RE2020 impose l’évaluation environnementale du bâtiment correspondant aux émissions de gaz à effet de serre GES sur tout son cycle de vie pendant 50 ans. Ce calcul de l’analyse de cycle de vie ACV compile tous les impacts carbone estimatifs de l’ensemble des matériaux, matériels et équipements du bâtiments. Dès lors le calcul thermique règlementaire demandé aux dépositaires de permis de construire à compter de cette année oblige à envisager de multiples scénarios. C’est là que l’usage de la maquette numérique
est une opportunité pour simuler le comportement énergétique du bâtiment, évaluer la qualité bioclimatique du modèle et choisir le scénario le plus adapté. Des logiciels comme ClimaBIM,
Archiwizard ou ThermBIM ont été développé pour charger la maquette numérique BIM dans leur environnement de travail et créer des scénarios thermiques variés afin d’atteindre l’optimum du choix technique et de conception répondant à la RE2020. Le BIM permet ainsi, dans un laps de temps identique, de créer tous les scénarios possibles et non pas quelques-uns. La décision est ainsi mieux éclairée.
7. Quel point d’étape sur les enjeux juridiques du BIM ?
Depuis sa montée en puissance ces dernières années, le processus BIM a donné naissance à de nombreux questionnements sur les implications juridiques de l’usage des maquettes numériques pour concevoir, construire et exploiter un bâtiment. Des responsabilités des intervenants à l’acte de construire, à la propriété intellectuelle en passant par la gestion contractuelle : plusieurs pans de notre organisation juridique de la construction évoluent. Dans ce contexte, un premier rapport « Droit du numérique & bâtiment » a été établit en 2016 par le cabinet Lefèvre Pelletier et associés dans le cadre du Plan de transition numérique du bâtiment (PTNB) afin de dresser une première analyse de la situation. Face au besoin d’apporter des réponses concrètes aux situations complexes rencontrées autour du BIM, un groupe de discussion BIM4LegalFr a été créé fin 2021 par des professionnels d’Autodesk, DB-Lab, Lex Terra et Novlaw Avocats. L’enjeu est bien de concentrer des
réflexions ouvertes entre professionnels du BIM afin de proposer des évolutions juridiques
permettant de résoudre les problématiques rencontrés au quotidien. Ces réflexions ont pour objectif d’être soumises au législateur pour accompagner les évolutions législatives attendues par l’impact du BIM sur nos différents Codes.
8. Comment le BIM révolutionne la phase chantier ?
Au stade du chantier, le BIM permet une visualisation augmentée des ouvrages et apparait comme une aide à la compréhension de situations techniques complexes. En effet, des startups proposent des services de visualisation des objets numériques de la maquette BIM à des fins de contrôle de la réalisation sur les chantiers. C’est le cas des casques de réalité mixte tels que ceux de Daqri, qui font le lien entre le monde virtuel de la maquette numérique et le monde réel du chantier. Cette réalité mixte permet à la personne qui porte le casque de voir la superposition des ouvrages de la maquette et ceux du chantier afin de s’assurer de leur bonne réalisation à l’emplacement prévu. Des rapports d’erreurs peuvent être générés lorsque la superposition révèle des écarts entre la maquette et les
ouvrages réalisés. D’autres solutions comme celle de la société Anoxa permettent d’amener la visualisation de la maquette numérique au sein du chantier. Une cabine métallique solide et mobile est transportable sur tout le chantier afin de permettre la visualisation de la maquette à tout moment et permettre la poursuite du travail collaboratif entre les directeurs travaux. Par ailleurs, la donnée 5D permet de simuler des options de planning pour choisir les enchainements de taches optimales les plus adapter aux situations spécifiques des chantier. Par exemple le logiciel Powerproject permet de simuler des options de planning de chantier à partir de la maquette numérique.
9. Quels enjeux pour passer du BIM au CIM ?
Le BIM à l’échelle urbaine présente une réelle opportunité d’améliorer la gestion de nos villes.
Existant depuis les années 60, le SIG, système d’information géographique permet déjà une
modélisation des données urbaines. Ce SIG couplé au BIM nous conduit vers ce qu’on appelle le CIM pour City information modeling. Ce CIM bénéficie ainsi des bases de données existantes du SIG ainsi que de la data du BIM des bâtiments et infrastructures. Cette approche permet de structurer des maquettes numériques urbaines intégrant notamment les réseaux, les voiries, la circulation et le trafic. On parle d’utiliser les données urbaines et de les visualiser en 3D pour améliorer la connaissance de la ville et optimiser son fonctionnement. Il s’agit de passer de l’échelle BIM du bâtiment à celle d’un quartier puis d’une ville. La modélisation d’ensembles urbains constitués de plusieurs bâtiments et infrastructures permet de simuler de nombreuses situations urbaines telles
que les inondations, les incendies, l’évolution d’un carrefour etc. pour adapter la réponse
immobilière optimale. Les données des bâtiments publics comme privés et celles de l’espace public pourraient ainsi être couplées pour améliorer le fonctionnement du territoire.
10. Quel impact du BIM sur les assurances construction ?
Le BIM apparait comme une opportunité pour les assureurs de mieux connaitre le contenu des actions menées sur les bâtiments et de pouvoir analyser leurs risques à partir de la maquette numérique. Actuellement plusieurs assureurs travaillent à la mise en place d’outils logiciels dans lesquels ils pourraient mener ces analyses sur les maquettes numériques de leurs clients. C’est ce que le courtier Marsh, Mme ROMEO, a expliqué lors de son intervention au sein du webinaire organisé par le Moniteur en novembre dernier. Le premier enjeu consiste à analyser les scénarios de risques au sein de la maquette numérique pour adapter la prime d’assurance au risque réel. Le second enjeu consiste à analyser les contenus de données des maquettes numériques postérieurement aux chantiers afin de départager les responsabilités civiles décennales des intervenants en cas de sinistre. La traçabilité des données dans le modèle est fiable puisqu’elle repose sur un processus de blockchain où chaque intervenant a intégré ses propres données au modèle ce qui rend la recherche de responsabilité plus transparente et garantit mieux les intérêts de
chacun.
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