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Gabrielle Millan

BIM exploitation: de la stratégie BIM aux services du BOS

Publication "IEIF" du 1er trimestre 2020:


Depuis son arrivée fracassante sur le secteur immobilier, le BIM est ressenti comme étant un outil de conception de projets immobiliers neufs. En effet, la mise en place d’un jumeau numérique du bâtiment apparait comme étant plus simple évidente à réaliser à partir d’un terrain vierge que sur un bâtiment construit. A présent, la numérisation massive de l’existant a montré que l’intérêt du BIM allait bien au-delà de la construction neuve et tendait à atteindre l’exploitation du bâtiment existant en tant que tel, qu’il y ait ou non un programme de restructuration de celui-ci. Plusieurs foncières se mettent ainsi à numériser leurs immeubles dans un objectif de mettre en place le BIM exploitation sur leur patrimoine. Cette migration des méthodes traditionnelles vers le full BIM nécessite la génèse d’une démarche numérique intégrée de plusieurs actions clefs qui permettent d’aboutir à une connaissance accrue du patrimoine, à un facility management augmenté et à des services utilisateurs. La maquette numérique BIM d’un bâtiment évolue ainsi d’un état sommaire à un état précis au plus proche du bâtiment construit ou existant. Lorsqu’un projet immobilier est envisagé sur un immeuble, la maquette numérique suit les étapes de conception, construction jusqu’à la phase exploitation.


Une démarche full BIM


Pour mettre en place le BIM exploitation, le propriétaire doit passer par plusieurs étapes cruciales qui démarrent par l’expression de ses besoins au travers d’un document général appelé communément Charte BIM. Cette Charte BIM est la base de toute la stratégie de numérisation d’un patrimoine puisqu’elle contient les directives du propriétaire déclinables à tout immeuble du portefeuille. Des articles spécifiques viennent notamment détailler les volontés d’inventaire organisé des espaces et des équipements de l’immeuble, les principes de codification et de classification des objets BIM, les informations nécessaires dans la maquette et hors de la maquette (dites liées), ainsi que les clauses de cession des droits d’utilisation des maquettes BIM. Cette Charte BIM se décline généralement en deux parties essentielles que sont la phase projet et la phase exploitation, ceci dans un objectif de couvrir l’ensemble du cycle de vie d’un actif immobilier ainsi que les ré-interventions de programmes de travaux successifs. Toute la capacité à produire des modèles BIM utilisables en phase exploitation réside en la cohérence documentaires et informatives entre les phases projets et exploitation. En effet, les dispositions BIM prises dès les premières études de conception sur un immeuble, ont un impact direct sur le livrable BIM de fin d’opération qui sera le support de l’exploitation de l’actif. Ainsi, les volontés du propriétaire pour la phase exploitation doivent être clairement indiquées dans la Charte BIM au stade du projet afin d’assurer le continuum numérique de la maquette BIM. Il s’agit d’une stratégie qui doit être nécessairement globale sur le patrimoine afin de l’intégrer dans le plan pluriannuel et d’évaluer l’intêret du BIM bâtiment par bâtiment. Les critères et les cibles BIM doivent être pensés au global puis déployés en fonction des spécificités de chaque immeuble. Il y a ainsi une priorisation explicite des actions sur le patrimoine.

Comme l’explique Constance De Batz, Directrice des opérations au sein de la société MBA City qui accompagne des propriétaires en AMO BIM : « Il est essentiel que les propriétaires et les maitres d’ouvrages soient accompagnés pour formuler leurs objectifs BIM au sein d’un document général qu’est la Charte BIM afin que leur stratégie soit comprise de leurs prestataires aussi bien lors de projets de travaux ou en phase exploitation ».

Puis, à chaque opération et programme de travaux, la Charte BIM est déclinée en un cahier des charges BIM spécifique. Il s’agit de la déclinaison de la Charte BIM en des objectifs de maitrise d’ouvrage propres à une opération de travaux ou à un immeuble. On y retrouve par exemple le planning de travail BIM de l’équipe de conception afin de livrer différents stades d’avancement et de niveau de détails de maquettes BIM. Ces livrables devant être réalisés dans un planning de travail spécifique et lié au planning général de l’opération immobilière. Ce cahier des charges BIM est généralement réalisé à l’aide d’un AMO BIM. La Charte BIM comme le cahier des charges BIM sont contractuels entre le maitre d’ouvrage et son équipe de maitrise d’œuvre puis avec les entreprises ou les promoteurs. Enfin, sur la base du cahier des charges BIM, la cellule de BIM management du projet va traduire les objectifs et les volontés en matière de BIM du maitre d’ouvrage au sein d’une convention BIM spécifique à l’opération. Cette convention BIM est un document de travail entre les membres de la maitrise d’œuvre avec pour but de livrer au maitre d’ouvrage plusieurs versions de maquettes numériques BIM adaptées à son expression de besoin. L’ensemble de ces documents BIM doivent être intégrés aux contrats à commencer par celui du géomètre qui va réaliser la première maquette BIM de référence qu’est la maquette de relevé. Déjà à ce stade d’avancement, les expressions de besoins du maitre d’ouvrage doivent être clairement définies afin que le relevé soit conforme aux attentes et en lien avec les transformations qui seront apportées à l’immeuble. Ces intégrations du BIM aux contrats soulèvent des complexités entre les parties mais il est nécessaire que le maitre d’ouvrage conserve les droits sur la maquette numérique BIM dans l’intérêt de la phase exploitation.


Le facility management augmenté


La mise en place du BIM exploitation ne rime pas forcément avec projet de travaux sur l’immeuble. Il est tout à fait possible de mettre en place le BIM exploitation sans travaux sur l’immeuble. Si l’on décide de le mettre en place sans programme de travaux, il s’agit de réaliser le relevé en BIM du bâtiment dans un niveau de détails permettant l’identification à minima sur le modèle des équipements et des organes fonctionnels. A partir de ce relevé BIM de l’existant, les facility managers sont capables de déployer un outil de BIM exploitation après quelques adaptations du modèle BIM afin qu’il soit en adéquation avec leurs propres outils. Quelques capteurs sont souvent à rajouter aux équipements afin de les connecter au BIM exploitation. Au contraire, si un programme de travaux est prévu sur un immeuble, des études de conception vont être menées sur la base du relevé BIM de l’existant. Dès le démarrage de ces études de conception en BIM, il est crucial de faire intervenir des spécialistes du BIM exploitation et en particulier les sociétés de facility management. Ces dernières ont développé en leur sein des outils de pilotage de bâtiment au travers des modèles de maquettes numériques BIM en temps réel. L’objectif de les associer dès la conception est bien de définir en amont le cadre du BIM exploitation. Comme évoqué précédemment, il ne peut y avoir un BIM exploitation efficace que s’il a été anticipé dès la conception. Les grands principes du BIM exploitation doivent être intégrés dès les premières versions de maquette numérique BIM du projet. C’est ainsi que le BIM exploitation entraine une entrée plus précoce des sociétés de facility management dans le cycle de vie de l’immeuble. Elles vont ainsi pouvoir aider à la décision sur des choix d’équipements plus connectés à la maquette numérique BIM pour en faciliter la maintenance au travers de leurs outils. Puis, au fur et à mesure que le projet se précise, les facility manager peuvent accompagner également pendant la phase de réalisation pour s’assurer que leurs demandes formulées en phase conception sont bien mises en œuvre lors du chantier. Ils s’assurent ainsi que les équipements prévus et installés seront suffisamment évolués et communiquant pour déployer leurs solutions de BIM exploitation sur l’immeuble. Ensuite, le facility manager devra s’assurer que la maquette numérique BIM fournie en fin de travaux lors des opérations de réception et de livraison d’immeuble corresponde bien en tous

points à la réalité des ouvrages. Sur la base de cette maquette BIM au niveau de détails d’un dossier d’ouvrages exécutés DOE, le facility manager va l’adapter à son outil propre de BIM exploitation. Engie a ainsi développé l’outil Smart O&M qui permet l’utilisation de la maquette numérique BIM pour faciliter les interventions quotidiennes et être dans une maintenance prédictive. Ainsi, un accès direct est possible dans le modèle de maquette numérique BIM à l’équipement en dysfonctionnement, en cliquant sur l’équipement il accède aux informations associées : attributs, données temps réel, historique des interventions, les documents liés à cet objet BIM. Thomas Huerre, directeur des activités opérationnelles chez Engie Cofely France explique que : « notre outil Smart O&M permet entre autres de visualiser l’information de trois façons différentes dashboards, 2D, 3D en fonction de l’utilité : le BIM exploitation au service d’un pilotage global simplifié du bâtiment. »


La connaissance accrue du patrimoine


Mais le BIM exploitation ne se limite pas à une utilisation du facility management augmenté à travers le modèle, il permet aussi d’accroitre la connaissance du patrimoine par les propriétaires. La mise en place d’équipements communiquant dans l’immeuble permet la remontée d’informations directement dans le modèle de maquette numérique BIM. De nombreux capteurs peuvent être installés afin de suivre en temps réel l’utilisation du bâtiment. Cela permet aux propriétaires, à travers des outils dédiés, de suivre et de piloter leur patrimoine en suivant des indicateurs relevés par des capteurs sur place. La société Foncière Numérique propose ce type d’outils permettant de connecter le bâtiment et son jumeau numérique mais pour une utilisation propriétaire qu’il faut donc distinguer de l’utilisation facility management. Sur le moyen et long terme, la connaissance à travers ces données d’usage en temps réel permet de comprendre le comportement du bâtiment et de prendre des décisions. Ces données sont visualisables dans la maquette numérique BIM en phase exploitation pour l’asset manager qui peut ainsi mieux appréhender les actions à mener sur son portefeuille et les prioriser.

En complément des visualisations ayant recours à la maquette numérique BIM en phase exploitation, des outils comme Iboard de Netseenergy permettent de suivre la consommation énergétique d’un patrimoine en temps réel espace par espace. Ces données peuvent être liées à celles de la maquette numérique BIM ou consultables séparément. Cela permet entre autres de pouvoir détecter des problèmes de fuites ou des déperditions énergétiques ainsi que de vérifier les indicateurs liés aux certifications environnementales comme le HQE exploitation ou Breeam in use ou encore les modalités d’application du décret tertiaire et déployer ainsi l’energy management. Tout ceci en utilisant des algorithmes prédictifs de consommation.


Le BOS pour les services aux utilisateurs tertiaires


Nous venons de mettre en lumière les apports de la maquette numérique BIM pour les propriétaires en phase exploitation aussi bien pour la maintenance que pour la connaissance du patrimoine. Cependant, il faut aussi savoir que la maquette numérique BIM est un vecteur de services aux occupants d’immeubles de bureaux. En effet, il est d’usage de créer une application de gestion de l’immeuble de bureaux qui peut être développée par des société comme Thevolys avec son outil Geolys Smart Office. Au travers de ces applications dédiées à l’immeuble, les occupants peuvent déclencher des actions au niveau des équipements et capteurs de l’immeuble. Il est ainsi possible d’intégrer la maquette numérique BIM dans l’application afin de faciliter la géolocalisation d’informations utiles aux occupants. De la même façon, est mis à disposition un pilotage via son smartphone et l’application de l’immeuble des paramètres de confort tels que la température ou l’éclairage, la réservation de salles et le signalement d’un défaut d’occupation déclenchant automatiquement un processus auprès du facility management. Le modèle BIM peut aussi permettre de géolocaliser les occupants dans l’immeuble afin de veiller à la sécurité des personnes. Ceci peut s’avérer très utile notamment dans des établissements recevant du public ERP. Dans un objectif de rendre communiquant entre eux les différents systèmes d’informations évoqués précédemment que sont la maquette numérique BIM, les outils BIM exploitation des propriétaires et ceux des facility manager et des utilisateurs, le building operating system BOS prend tout son sens. Il permet de mutualiser les données qui circulent entre les équipements et les capteurs de l’immeuble ainsi que les applications dédiées aux services. Ainsi n’importe quel service et IOT peut être mis en place sur une base de données du bâtiment exploité au travers d’API permises par un système ouvert puisque le BOS va être capable d’intégrer différentes données locales ou distantes provenant de sources variées dans une unique interface. L’intérêt est de pouvoir rendre les données exploitables à tout service du bâtiment qui doit y recourir. Le BOS fonctionne ainsi sur les principes de l’architecture R2S Ready2Services et est un pilier fondamental du smartbuilding.

Le BOS va ainsi pouvoir intégrer la maquette numérique BIM d’un bâtiment en tant que base de données unique de ce dernier. Le BOS va alors connecter la maquette numérique BIM à tous les services du bâtiment, rendant ainsi n’importe quelle donnée graphique et visualisable sur le modèle. Le BOS vient ainsi créer le lien d’usage entre la maquette numérique BIM et le bâtiment qui deviennent ensemble une plateforme digitale servicielle qui évolue au grès des besoins des utilisateurs.

Vous l’avez compris, l’arrivée du BIM exploitation vient bousculer les codes établis du secteur immobilier bien au-delà de la phase exploitation-maintenance de l’immeuble. A travers le BIM

exploitation naissent de véritables stratégies de gestion du patrimoine, puis de création et d’entretien de bases de données immobilières. La compréhension du patrimoine sur le long terme devient un levier de création de valeur qui démarre dès la genèse de la première maquette numérique BIM d’un actif immobilier. A l’instar du BIM projet qui a demandé à de nombreux corps de métiers de s’adapter à ce nouveau standard sur les projets en développement, le BIM exploitation est encore davantage disruptif. Il vient positionner les sociétés de facility management et de maintenance du bâtiment comme véritables stratèges, leur conférant une place de premier ordre en rupture avec les anciennes pratiques. La pression est importante sur ces sociétés qui ont beaucoup à faire pour se professionnaliser même si on observe déjà un investissement colossal sur les outils de BIM exploitation qu’elles proposent à leurs clients. Elles sont les premières à capter sur place la donnée de l’immeuble ce qui leur confère cette position stratégique. De nouveaux sujets apparaissent comme essentiels et en particulier les problématiques de mises à jour des BOS et des maquettes numériques BIM ainsi que le stockage des données et le partage de leur propriété. Tout comme le BIM exploitation vient remettre en cause un système en place dans le bâtiment, le CIM exploitation avec un BOS urbain pourrait être un véritable outil politique pour transformer durablement nos villes et faciliter leur gestion ainsi que l’accueil de nouveaux services toujours plus innovants et disruptifs.

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