Au début du 20ème siècle, les « congrès internationaux d’architecture moderne » ont contribué à l’élaboration d’un urbanisme par zones afin de contrôler l’utilisation de l’espace. Ce principe a permis d’attribuer les fonctions urbaines (habitation, commerce, activités) à des parties précises du territoire.
Le zonage est donc parti d’une bonne volonté consistant à vouloir maîtriser le développement de chaque fonction urbaine afin qu’aucune ne puisse nuire aux autres.
Néanmoins, cet urbanisme par zones a abouti à une isolation des activités sur le territoire, reliées entre elles par de grands axes conduisant essentiellement à utiliser la voiture. Ces fonctions étalées sur le territoire et plus ou moins accessibles ont conduit à une ségrégation de quartiers vis-à-vis d’autres, à une spéculation foncière encore plus forte et ont participé aux problèmes environnementaux actuels.
Aujourd’hui, les schémas de cohérence territoriaux tentent de revenir sur les effets pervers de cet urbanisme fonctionnel en promouvant des constructions dites mixtes qui mélangent les fonctions habitation, travail ou commerce.
Vers une nouvelle mobilité de gestion du temps
Les gens souhaitent davantage maitriser leur temps contraint, notamment les déplacements, leur temps libre et leur lieu de résidence.
C’est la raison pour laquelle ils recherchent ces zones mixtes ou multifonctionnelles, parmi lesquelles les gares ont une place majeure.
On constate un changement de mentalité : les travailleurs et investisseurs recherchent des lieux d’activités multifonctionnels.
Ces populations réclament la proximité et veulent diminuer leur temps contraint entre lieu de travail, d’habitation, de commerces et de services dont ils ont besoin.
On observe ainsi dans notre société un nouveau phénomène de rejet de certains quartiers, quelles qu’en soient leurs fonctions.
Le principal motif de mobilité n’est d’ailleurs plus uniquement le travail mais un ensemble hétérogène composé des loisirs, des commerces, de l’enseignement etc. Ces personnes ont de nouvelles motivations de déplacement autres que professionnelles.
On observe ainsi que les populations, notamment les jeunes, se défont de la voiture, certains n’ayant même pas leur permis de conduire. C’est ainsi que l’usage de la voiture tend à disparaître dans les récents éco-quartiers (quartiers mixtes et à performance énergétique non conçus autour de la voiture).
On constate donc une évolution des pratiques urbaines. Cette nouvelle mobilité concerne aussi bien les urbains que les ruraux, les voyageurs de jour que de nuit.
Sur la question des transports en Ile de France, tous les franciliens ne sont pas logés à la même enseigne. Les habitants de Paris intra-muros disposent d’une continuité des transports importante tandis que ceux qui habitent à l’extérieur de Paris sont victimes d’une chaine de transports catastrophique. Ils subissent des écarts considérables entre la théorie et la pratique de la durée d’un trajet en transport en commun : les temps d’attente ne sont pas bien pris en compte.
Ces dernières années, le nombre moyen de kilomètres parcourus chaque jour par les franciliens a stagné mais leur temps passé dans les transports a fortement augmenté.Ceci s’explique par cette faible performance de la continuité des transports dûe à de nombreuses ruptures de charge. Ce temps de déplacement en devient insupportable.
Dans ce contexte, la notion de gain de temps est devenue capitale pour les franciliens : ils veulent optimiser le temps qu’ils passent dans les transports. Ils cherchent à présent à optimiser leur temps et les déplacements constituent une donnée temporelle contrainte impossible à maitriser.
Les gens essaient donc de rentabiliser leur temps de déplacement contraint par plusieurs activités: lecture, travail,utilisation d’internet, discussion, téléphone, achats etc.
Ce phénomène constitue une réelle opportunité pour le développement des services et des activités commerciales nécessaires aux gens pendant leur déplacement dans les gares.
Les gares : une nouvelle polarité urbaine
Cette nouvelle dynamique s’articule autour des gares, qui deviennent le point de pivot des fonctions urbaines.
Les déplacements en transports en commun ont fait des gares des zones de chalandises intéressantes. Ce nouveau mode de fonctionnalité a commencé au Japon qui a été le premier pays à évoluer en ce sens en transformant ses gares en lieux urbains mixtes.
A présent, l’attente des consommateurs diurnes est celle d’un service en continu et pas à horaires de bureaux. Les travailleurs de nuit nécessitent également une évolution des transports nocturnes avec des commerces disponibles. De fait, de nombreuses personnes font leurs achats dans les gares car tout est fermé quand ils arrivent chez eux en 3ème couronne. Les utilisateurs multiplient ainsi les lieux d’achat en utilisant les magasins sur leurs lieux de travail et de transport.
Ainsi, on observe une profusion de nouveaux espaces marchands dans les gares. Auparavant il n’y avait que des cordonniers, à présent de nombreux commerces de tous types s’y installent. Les usagers utilisent leur temps de présence contraint dans les gares pour réaliser leurs achats et bénéficier de services.
Les nouveaux comportements d'achat tels que le click & collect sont une réelle opportunité de pouvoir offrir des services en gare.
A titre d'exemple, la gare saint Lazare capte 450.000 clients par jour ce qui justifie les aménagements commerciaux qui y ont été développés.
Les attentes en termes de lieu consommation sont donc désormais différentes. Toutes les consommations habituelles diminuent tandis que celles dans les lieux de transports augmentent. Ce phénomène vient aussi du fait que le temps moyen passé pour faire ses courses a fortement réduit et est devenu compatible avec le temps de transport.
Ainsi, les gares sont désormais davantage utilisées en tant que lieux urbains (lieu de vie) que pour leur fonction initiale de transport.
Par exemple, 60% des gens qui passent dans la gare de Montpellier y vont pour d’autres activités que se déplacer. De fait, on observe que les guichets sont de plus en plus placés en retrait alors que les espaces marchands sont mis en évidence.
Les gares sont donc devenues des lieux de stratégie, de polarité urbaine très importants : elles vont rassembler de plus en plus de fonctions, en commençant par le commercial, puis le service, puis en allant vers des constructions totalement mixtes.
Les gares des communes rurales ne sont pas épargnées par ce phénomène et deviennent multipolaires : des « hubs de transports ». Par exemple, le secteur de la vallée de la Drôme est totalement en urbanisation autour des gares TGV du secteur. A Rennes, la gare du quartier d’Euro Rennes est présentée comme étant une nouvelle centralité d’agglomération. Ce projet promeut la construction de bâtiments mixtes afin de créer un véritable pôle tertiaire et commercial.
Néanmoins, ces gares qui deviennent multi-usages portent une pression foncière sur les communes rurales par d’ambitieux projets d’aménagement mixtes. Ces communes en étaient jusque là exemptes. Dans ce contexte, les gares favorisent tout de même un étalement urbain par un développement autour de leur nouvelle polarité. Ce développement est cependant l'occasion de rattraper la situation économique de certaines villes de province.
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